La Sécurité Civile

La base des pompiers du ciel est implantée sur l'aéroport de Marseille Provence et elle est constituée de 2 parkings avions, 2 hangars pour la maintenance et 1 Pelicandrome (c'est une infrastructure constituée d'une aire de remplissage avec une station fixe ou mobile destinée à ravitailler en eau ou en retardant - produit rouge ignifugeant à base de phosphate d'ammonium qui est largué en avant et parallèlement aux flammes pour former une barrière de protection contre la propagation du feu). Les avions engagés dans la lutte contre le feu qui ne peuvent écoper ou qui doivent, devant l'ampleur du feu, utiliser du retardant. Il existe 18 aérodromes dans le sud de la France équipés de ce type de stations de remplissage. Notre zone comporte 3 stations: Bordeaux Mérignac, Cahors et Limoges. Ces stations sont armées par les sapeurs-pompiers du département (l'armement de la station de Bordeaux Mérignac est sous la responsabilité des pompiers de Saint Jean d'Illac).

La flotte aérienne engagée sur l'année 2001 est constituée de 11 Canadair CL 415, 12 Tracker (dont un seul à moteur à pistons, les 11 autres étant équipés de turbopropulseurs), 2 Fokker 27 et de 2 Beechcraft 200 (destinés au transport de personnel, au commandement, à la surveillance et à la coordination sur les feux). Jusqu'à l'année dernière, la Sécurité Civile louait pour la saison d'été un Hercule C130 avec un équipage américain. Malheureusement, le 06 septembre 2000 cet avion s'écrasa en Ardèche lors d'une mission. 20 bases hélicoptères réparties sur la France et équipées de Bell 205 viennent renforcer ce dispositif aérien.

Examinons d'un peu plus près les caractéristiques techniques des bombardiers d'eau actuellement en service.

Le Canadair CL 415: Il remplaça les CL 215 à partir de 1996. Son allure caractéristique (jaune et rouge estampillée Sécurité Civile) n'a pas été choisie au hasard: si le fuselage est majoritairement jaune c'est que cette couleur est celle qui se distingue le plus par rapport au vert des forˆts; le ventre rouge est avant tout esthétique. Il est fait pour éviter que l'avion ne se salisse trop vite lorsqu'il largue du retardant de couleur identique; l'extrémité des ailes est également rouge pour permettre aux pilotes d'avoir des repères lorsqu'ils volent en formation; si le nez est noir c'est tout simplement pour réduire les effets de réverbération durant l'été. Dans un soucis de communication et d'identification auprès du public mais surtout auprès des tours de contr“le et des hommes au sol, les Canadair sont tous estampillés Sécurité Civile en grosses lettres rouges sur toute la longueur du fuselage et le numéro attribué à chaque appareil apparaŒt en caractères gras. Enfin, vous remarquerez peut ˆtre cette ligne blanche qui court le long du fuselage et des ailes. Elle n'a qu'un but esthétique destiné à donner à cet avion un air agressif, moderne et stylisé! Son autonomie moyenne est de 3h30 mais dans le cadre de son intervention sur des feux, le pilote parle d'autonomie opérationnelle. Il s'agit en l'occurrence de son autonomie sur l'objectif déduction faite de la durée qu'il lui a fallu pour venir (si le Canadair est appelé sur un feu en Gironde et qu'il décolle de sa base de Marseille -1h30 pour venir-, son autonomie opérationnelle sera donc de 2 heures). L'équipage est constitué d'un pilote et d'un copilote. Ce bombardier d'eau est un hydravion amphibie construit par la firme Canadienne Bombardier Inc. Tout en métal à ailes hautes, il est équipé de 2 moteurs turbopropulseurs de 2380 cv. D'une longueur de 20 mètres (2,5 fois la longueur de notre CE) pour une hauteur de 9 mètres (4 fois la hauteur de CE) et une envergure de 29 mètres (3,32 fois l'envergure de CE !), il atteint une vitesse maximale de 187 kts et il est équipé de 2 soutes à 2 compartiments chacune capable d'emmagasiner 6300 litres (c'est une donnée constructeur. L'emport réel est de 5800 litres dans le cas d'un remplissage sur un Pelicandrome et de 5600 litres lors d'un écopage effectué en 12 secondes grƒce à ses 2 écopes situées sous le fuselage). Il possède également une réserve de 330 litres de produit moussant. Le volume écopé correspond au transport de 80 passagers. J'en profite pour démentir une idée trop souvent répandue qui consiste à dire que lors d'un écopage un Canadair est capable "d'avaler" un baigneur ou un plongeur... Il faut savoir que les écopes mesurent... 14 cm x 11 cm! Quelques mots sur l'écopage qui est une des phases spectaculaires du travail de cet avion. L'équipage se présente au dessus de l'eau à une vitesse de 170 km/h (92 kts) et touche la surface à 140 km/h (75 kts). Il entre alors dans une phase critique car toujours manouvré par les commandes de vol destinées à travailler dans l'élément air, il évolue sur l'élément eau. On dit alors qu'il se trouve en hydroplanage mais il continue de voler. Pour éviter qu'il ne soit endommagé par la houle ou les vagues, le pilote doit alors le maintenir avec une assiette de 7ø à cabrer. La course à l'eau (c'est la distance que l'avion va parcourir sur l'eau pour se stabiliser et durant laquelle la vitesse va tomber à 110 km/h -60 kts) va durer entre 12 et 14 secondes sur une longueur de 300 mètres. Dès que le Canadair atteint cette vitesse, le pilote sort les 2 écopes ce qui provoque un couple à piquer qu'il contre en tirant sur le manche pour éviter que le nez de l'appareil ne plonge et percute la surface de l'eau. Il réajuste alors la puissance pour maintenir sa vitesse tandis que l'avion s'alourdit de... 500 kgs par seconde! L'écopage va s'effectuer en 12 secondes sur une distance de 600 mètres. L'avion vient d'embarquer dans ses deux soutes près de 6000 litres d'eau à une pression proche de 7 bars. Le pilote rentre alors les écopes et pousse les moteurs à pleine puissance car, à ce moment là, le Canadair ne se comporte pas comme un avion mais plut“t comme un bateau rapide. Il va lui falloir environ 10 secondes sur une distance de 300 mètres pour déjauger et atteindre la vitesse de 150 km/h (81 kts) pour sortir de l'eau. Enfin, après son décollage, il effectue un palier attente à très faible hauteur pour atteindre sa vitesse de sécurité (177 km/h soit 96 kts) avant de reprendre sa pente de montée tout en se dirigeant sur son objectif. Les écopages ne peuvent s'effectuer en toute sécurité que sur des plans d'eau de 2000 mètres de long, 100 mètres de large, 2 mètres de profondeur et dégagés de toute forme d'obstacles. Chaque appareil a à son bord une liste de tous les plans d'eau accessibles avec leurs caractéristiques. Par exemple, les Canadair disposent dans le sud-est de la France de 16 plans d'eau intérieurs (lacs, barrages, fleuves ou lagunes), 7 plans d'eau sur le Rh“ne entre Vienne et Marseille plus tout le littoral corse et méditerranéen. Tandis qu'un écopage s'effectue en moyenne en 30 secondes, le remplissage d'un avion sur un Pelicandrome (inclus les phases d'atterrissage, de roulage, de remplissage et de décollage) dure entre 10 et 12 minutes.
Le Fokker 27 : Cet appareil est au départ un avion commercial court et moyen courrier fabriqué par la société hollandaise Fokker transformé en bombardier d'eau par la société Conair. L'équipage est constitué d'un pilote et d'un copilote. Il est équipé de 2 moteurs turbopropulseurs de 1835 cv, peut atteindre une vitesse maximale de 440 km/h (237 kts) et possède une soute à 8 compartiments d'une capacité réelle de 5600 litres mais opérationnelle de 4900 litres (soit 700 litres par compartiment , le huitième n'étant pas utilisé pour respecter la masse maximale autorisé au décollage). Cet avion travaille essentiellement avec du produit retardant. En début de mission et durant les 2 ou 3 premières rotations, on ne charge que 6 compartiments (soit 4200 litres) puis après environ 1 heure de vol (alors que l'appareil s'est délesté d'une partie de son carburant) on charge les 7 compartiments. Le remplissage s'effectue hélices tournantes sur un Pelicandrome avec beaucoup de rigueur car, contrairement au Canadair dont la garde des hélices est à plus de 2 mètres celle du Fokker ou du Tracker est très basse ce qui nécessite une extrˆme vigilance (l'accès s'effectuant par l'arrière des ailes). Le largage s'effectue à la vitesse de 120 kts (60 mètres/seconde), à 100 ft (30 mètres du sol) et couvre la mˆme surface au sol que celle du Canadair (60 sur 20 mètres). Le Fokker, en cas de nécessité, peut aussi être aménagé pour transporter du personnel ou du matériel mais aussi pour effectuer de l'épandage en cas de pollution maritime.
Le Tracker : Cet appareil de l'US Navy embarqué sur un porte-avion avait une mission de lutte anti-sous-marine. Il fut modifié en bombardier d'eau par la société Conair. L'équipage n'est constitué que d'un seul pilote. Son autonomie est de 3h30. Anciennement équipé de 2 moteurs à pistons de 1475 cv, il fut remotorisé en 1988 et équipé de 2 moteurs turbopropulseurs de 1425 cv. Il peut atteindre une vitesse maximale de 440 km/h (237 kts) et possède une soute à 4 compartiments d'une capacité de 3300 litres. Comme le Fokker, il travaille principalement avec du retardant. Il peut larguer en une seule fois, 2 compartiments par 2 compartiments ou compartiment par compartiment (cette dernière possibilité n'étant réservée qu'aux missions d'entraŒnement). En début de mission, il ne largue jamais ses 4 compartiments en mˆme temps car la soute est située à l'avant du centre de gravité de l'appareil. Un tel largage provoquerait un recul vers l'arrière du centre de gravité et l'avion aurait alors un couple cabreur très important qui deviendrait impossible à contrer, ce qui provoquerait une configuration de vol aux grands angles (surtout dans le cas d'une vitesse un peu faible et dans une atmosphère turbulente). Un largage total s'effectue après avoir consommé l'équivalent d'une heure de vol. Le largage sur cet appareil s'effectue à la vitesse de 120 kts (60 mètres/seconde), à 100 ft (30 mètres du sol) et couvre une surface au sol de 30 mètres sur 10 mètres.
Les hommes: La base des bombardiers d'eau de Marseille Marignane emploie 148 personnes dont 88 navigants qui se répartissent en 4 secteurs : Canadair CL 415, Tracker S2F, Fokker 27 et SCOT (Section de Coordination Opérationnelle et de Transport). Le recrutement a lieu auprès de pilotes professionnels qualifiés IFR (vol aux instruments) qui possèdent une expérience minimum de 12 ans de pilotage, 3000 heures de vol et ƒgés de moins de 40 ans. La qualification Pilote Bombardier d'eau s'effectue au sein de chaque secteur. Durant la période estivale (de mi-juin à fin octobre), le personnel navigant travaille en service par tiers : deux tiers en alerte du lever au coucher du soleil et un tiers au repos. Durant la période hivernale, en fonction de l'échelle des risques, le travail est modulé pour permettre d'armer de 4 à 12 appareils. C'est également la période durant laquelle les nouveaux arrivants sont formés, les équipages entraŒnés, les stages externes et internes effectués. Les pilotes profitent de cette période pour prendre leurs congés annuels et récupérer les heures supplémentaires acquises durant l'été. Pour des raisons de sécurité bien compréhensibles, les heures de vol en équipage sont limités à:

- 8 heures de vol par jour ou 60 écopages

- 20 heures de vol en 3 jours

- 35 heures de vol en 7 jours

- 80 heures de vol en 30 jours

Pour terminer, voici quelques chiffres éloquents:

En 1999, 15 495 ha furent détruits par 2787 feux répertoriés dont 613 traités par les bombardiers d'eau correspondant à 2793 heures de vol (dont 1802 heures pour les Canadair, 846 pour les Tracker, 85 pour les Fokker et 59 pour l'Hercule C-130)
40% de l'activité feu et quasiment un tiers de l'activité globale ont été consacrés à la Corse.
1063 tonnes de retardant furent utilisés (dont 782 tonnes larguées par les Tracker, 95 tonnes par les Fokker, 72 tonnes par les Canadair et 114 tonnes par l'Hercule C-130) pour un cost de 12,35 millions de francs (inclus les additifs chimiques mousse).
Les Canadair, dans le cadre de leurs missions feux, ont procédé à 6985 écopages et 3963 pour l'entraŒnement.
En 1981 eu lieu le 100 000 ème largage.
L'année 1989 fut l'année du plus grand nombre de feux avec 4714 feux nécessitant 6451 heures de vol, 10 718 écopages, 13 747 largages, 72 223 tonnes d'eau et de retardant et 3029 pleins au sol.
En octobre 1996, le pilote Maurice Levaillant entrait dans le Guiness Book des Records, après une carrière de 30 ans aux bombardiers d'eau, pour le record mondial de largages sur feux de forêt (12 356 largages !).